Tamar Hirschfeld est une artiste née en 1984 à Jérusalem. Elle est diplômée des Beaux-Arts de la ville et a effectué un post-diplôme au Fresnoy – Studio national des arts contemporains à Tourcoing. Elle vit entre Bruxelles et Tel Aviv.

Tamar Hirschfeld dans l’atelier du Cirva, 2022.
Photo © Cirva / Léo Rodrigues

[En résidence : Tamar Hirschfeld] Recherche au Cirva, avec Cyrille Rocherieux, Fernando Torre et David Veis, 2021
Vidéo © Cirva / Bérangère Huguet

🧠 Œuvres réalisées ou mises au point au Cirva

Ajax, 2022
Baby blues, 2022
Le Balai qui balaie ses propres cendres, 2022
Burnt, 2022
Le Canard guerrier, 2022
Chewing-gum, 2022
Les Croissants fertiles, 2022
Défi : le feu avec une seule allumette !, 2022
Des larmes de feu, 2022
Les Jambes, 2022
Madame Kebab, 2022
Les Mains, 2022
Mascotte, 2022
Les Missiles, 2022
Monsieur Covid, 2022
Monsieur Kebab, 2022
Monsieur Pyromane, 2022
Papier toilette, 2022
Phone, 2022
La Poêle, 2022
Pufff, I’m now woke, 2022
Le Sein transparent, 2022
La Tête double et ses concombres, 2022
Le Vase de l’exode, 2022
Le Vase fondu, 2022
Vase n°1, 2022
Vase n°2, 2022
Le Vase oiseau, 2022
Le Vase triste, 2022

👁 Expositions des œuvres réalisées au Cirva

2023
« Grillée », musée des Beaux-Arts de Marseille, Marseille, France, 20 janvier–23 avril
— « Satellite of Love », Double V gallery, Paris, France, 14 octobre–10 novembre

📓 Publications

Tamar Hirschfeld – cahier du Cirva, édition Cirva, 2023, coll. « cahiers du Cirva », 2023
ISBN : 978-2-907116-14-5

🎥 En résidence : Tamar Hirschfeld, 2020–2022

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💬 Tamar Hirschfeld, note d’intention pour le Cirva, 2020

Au cours des deux dernières années, j’ai préparé mon exposition au musée d’art de Tel Aviv. Pour celle-ci, j’ai fabriqué des centaines d’objets en argile, plâtre, papier et autres matériaux « simples ». J’ai créé une sorte de mini-Israël, en sculptant des symboles vernaculaires tels que des plantes, des plats locaux et des artefacts archéologiques. J’ai aussi sculpté des objets de la vie quotidienne, comme des ustensiles domestiques et des produits d’épicerie. J’ai essayé de soulever des questions politiques et culturelles sur la décadence de la société israélienne à travers des éléments que l’on rencontre tous les jours.

Au Cirva, je serai confrontée à un matériau avec lequel je n’ai jamais travaillé auparavant. Ma méthode de travail est basée sur une utilisation systématique, mais cependant ludique, de la matière pour donner un aspect étrange à des objets banals. Malgré la complexité du travail du verre, je vais essayer de l’aborder avec légèreté. La ville de Marseille m’intéresse par rapport à celle de Tel-Aviv. C’est un centre culturel ouvert sur la Méditerranée dans lequel cohabite un mélange de cultures. Je pense que les deux villes sont des « hubs » dans lesquels se reflètent certains conflits politiques mondiaux. Au Cirva, je vais essayer de concevoir des objets à la fois chargés de sens et divertissants.

💬 Entretien avec Tamar Hirschfeld, 2023

Un entretien proposé par le Cirva, conduit par Stanislas Colodiet, janvier 2023
↘ Télécharger le texte {FR}

Stanislas Colodiet [SC]
Vous avez choisi d’exposer dans le musée des Beaux-Arts de Marseille, pourquoi ce choix ?

Tamar Hirschfeld [TH]
Les objets que je produis sont très baroques et j’aime beaucoup la théâtralité du décor de ce musée, il y a beaucoup de scènes très vivantes dans les peintures exposées. Je suis intéressée par leurs détails, et j’ai pensé que toutes les pièces créées au Cirva fonctionneraient bien en relation avec eux. Je voulais mettre en rapport le passé avec le présent.

[SC]
Vous n’hésitez pas à y introduire des objets banals de la vie quotidienne : tuyau d’arrosage, balai, bouteille d’Ajax...

[TH]
Regardons ces peintures que nous appelons « chefs d’œuvre » : elles représentent des scènes de la vie quotidienne, ce sont des gens qui boivent et qui mangent, qui dorment et qui parlent. J’ai souhaité prendre des objets simples et les mettre à côté, ils donnent vie aux personnages « congelés » dans les cadres.
Cela marche dans les deux sens : les objets du quotidien nous font regarder la peinture autrement mais ces peintures nous permettent également de redécouvrir notre quotidien, d’être conscients de la façon dont nous communiquons avec les objets qui nous entourent.

[SC]
Lorsque l’on visite l’exposition on a l’impression d’entrer dans une histoire dont les sculptures seraient les personnages, quelle est cette histoire ?

[TH]
Je mets en scène des situations tragiques : il y a des choses qui brûlent et qui explosent, il y a des choses qui coulent, il y a plein de petites « catastrophes congelées ». Elles dialoguent avec les peintures du musée : la plupart sont également tragiques, il y a beaucoup de pathos dans ces peintures, il y a des drames. Mais j’emploie également un registre comique pour nous soulager du poids de ces histoires.

[SC]
Au début de l’exposition, nous sommes accueilli·e·s par Monsieur Covid. Faites-vous un lien avec les tableaux évoquant la peste de Marseille accrochés à côté ?

[TH]
« Grillée » parle des catastrophes et la façon dont on les représente. Monsieur Covid nous rappelle comment on a « mis un cadre » face au Covid, il marmonne des mots difficilement compréhensibles. Au début du Covid, nous étions tous un peu perdus, tout n’était pas clair, alors Monsieur Covid est un personnage un peu bête, il ne sait pas exactement quoi dire.

[SC]
Parmi les personnages, certains sont inspirés par les sculptures des musées d’histoire et d’archéologie de Marseille, l’archéologie vous intéresse ?

[TH]
Depuis l’enfance, j’ai cette conscience qu’ il y a toujours des résidus archéologiques autour de la Méditerranée qui enveloppent des histoires, elles nous racontent le quotidien des civilisations passées. Je voulais comprendre l’histoire de Marseille, c’est la ville la plus ancienne de France et on sent qu’il y a quelque chose de très profond ici. Le personnage qui nous accueille (Madame Kebab) est une figure de la région, ce n’est pas moi qui l’ait inventée, cela a été fait par quelqu’un il y a deux mille ans. Je voulais mélanger les époques : l’archéologie, la peinture du XVIIIe siècle puis la période contemporaine, comme si l’on souffrait de troubles de l’attention.

[SC]
Pourriez-vous nous raconter l’histoire des chats qui pleurent à l’entrée de l’exposition ?

[TH]
Cette sculpture est inspirée par une illustration d’un vieux livre de contes allemand. Ce sont des histoires terribles très moralistes : elles racontent les mésaventures d’enfants qui font des bêtises et qui sont punis pour cela. Ici c’est celle d’une petite fille qui jouait avec des allumettes alors qu’elle ne devrait pas, les chats assistent à l’action, et « boum » elle est grillée. La morale est « il ne faut pas jouer avec le feu ! »

[SC]
Un élément semble particulièrement présent dans l’exposition : le feu, que vous évoque-t-il ?

[TH]
D’abord cela vient du verre, travailler avec le verre c’est travailler avec la chaleur, avec une matière dont l’état change. C’est pour cela qu’il était intéressant de représenter des choses « congelées » et des choses très chaudes en train de couler. Ensuite, quand j’ai commencé à travailler au Cirva, il y a eu le Covid, puis l’accélération du réchauffement climatique. Dans ma région, les puissances mondiales s’affrontent. En mai 2021 quand j’ai fait Les Missiles, Gaza a de nouveau été bombardée par Israël. Il y avait beaucoup de feu au monde quand j’ai envisagé cette exposition.
Il y a aussi le feu comme métaphore, c’est une grande force qui est représentée ici avec beaucoup de délicatesse et d’attention. Il y a quelque chose d’absurde dans ce contraste. J’ai la sensation que je suis incapable d’éteindre le feu, que je suis simplement capable d’en donner une image, et de témoigner de la chaleur du monde entier que je ressens à l’intérieur de moi.

🔗 Liens

🎧 Incalmo #1 — octobre 2020, une émission radiophonique proposée par *Duuu au Cirva
📷 Tamar Hirschfeld
🌍 Tamar Hirschfeld